Faire face à la crise des déplacements internes en Haïti

Image satellite de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Port-au-Prince, Haïti 9 mars 2024 – Crédits : Apollo Mapping – Haiti Policy House

Les défis des populations déplacées

L'escalade de la violence des gangs en Haïti a créé de graves difficultés pour les populations déplacées, en particulier dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) vivent dans 84 sites, confrontés à des conditions de surpeuplement et d'insalubrité. Les résidents qui ont fui leur domicile en raison de la violence des gangs comptent désormais sur des cliniques mobiles pour obtenir des soins médicaux qui fournissent :

  • Plus de 1 000 consultations de santé.

  • Offrir des services essentiels comme la médecine générale.

  • Santé sexuelle et reproductive.

  • Accompagnement psychosocial.

Impact sur les femmes, les filles et les enfants

La violence des gangs touche de manière disproportionnée les femmes et les filles. Les gangs ciblent cette population en leur livrant des actes extrêmes de violence sexiste, notamment des viols collectifs, pour susciter la peur et contrôler les populations locales . Sur neuf mois, de juin 2021 à mars 2022, le nombre de déplacés s'est élevé à 13 900, dont 5 695 femmes et 5 984 enfants . En 2022, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a rapporté les témoignages de plus d'une cinquantaine de femmes et de filles violées par les deux plus grandes fédérations de gangs d'Haïti, le G9 et Famille et le G-Pèp. De même, un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a révélé que des éléments de gangs commettent des actes de violence sexuelle dans l'intention d'infliger de graves souffrances à ceux qui vivent dans les territoires des gangs rivaux. Les victimes souffrent souvent de graves traumatismes physiques et psychologiques, certaines contractant des infections sexuellement transmissibles (IST) ou tombant enceintes .

En 2023, le nombre de survivants de violences basées sur le genre a quintuplé entre janvier et mars, passant de 250 à 1 543, les violences sexuelles représentant 75 % des cas, selon le rapport du HCDH. De plus, le gouvernement d'Haïti, en partenariat avec le Cluster Protection et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), a signalé que les cas de viols ont augmenté de 49 % en Haïti de janvier à août 2023, par rapport à la même période en 2022. Ces témoignages soulignent le besoin urgent de mesures globales de soutien et de protection.

Renforcer la résilience

Programme de soutien psychosocial

Les personnes déplacées internes (PDI) en Haïti reçoivent un soutien psychologique, notamment des premiers soins psychologiques, des conseils et des services essentiels, de la part d'organisations dirigées par des femmes et de défense des droits humains comme NÈGÈS MAWON. Ces organisations fournissent des services cruciaux aux survivants de violences, en particulier aux femmes et aux filles touchées par la violence sexuelle dans les zones touchées par les gangs. Associer les services de santé à un solide soutien social peut aborder les aspects à la fois mentaux et sociaux du rétablissement en incluant une formation professionnelle et des programmes éducatifs pour réintégrer les survivants dans leurs communautés. Cependant, des défis demeurent, comme le mentionne le rapport :

  • Un soutien financier insuffisant

  • Contraintes de ressources pour les ONG locales

  • Une pénurie de professionnels formés

Malgré ces défis, une structure appropriée peut s’avérer vitale pour autonomiser les personnes déplacées.

Structure et coordination

Le ministère des Affaires sociales et du Travail, le ministère des Affaires féminines et l'Office national des migrations peuvent coordonner la création et la gestion des centres sociaux et de santé communautaires, en veillant à ce qu'ils soient dotés d'un personnel et d'un financement adéquats. Ces centres, dotés d'un personnel local qualifié, favorisent la cohésion sociale, assurent le bien-être psychologique et soutiennent le développement économique des populations actuellement déplacées dans divers sites de déplacement.

Rôles et partenariats

Dans le cadre d'un partenariat gouvernement-société civile, le ministère des Affaires sociales et du Travail, le ministère des Affaires féminines, le ministère de la Santé, l'Office national des migrations et les organisations de la société civile impliquées peuvent superviser la refonte et l'expansion des programmes de santé existants, tels que comme celui dirigé par NÈGÈS MAWON, ainsi que la mise en place de programmes professionnels et éducatifs accessibles aux PDI.

La mise en œuvre sera un effort conjoint. Les organisations de la société civile, qui fournissent déjà des services essentiels et des activités de plaidoyer sur le terrain, collaboreront étroitement avec les agences gouvernementales pour garantir que les programmes sont adaptés au contexte et répondent aux besoins des personnes déplacées. Ces centres offriront des services de base, notamment des conseils en traumatologie, des premiers secours psychologiques, des soins de suivi continu, une formation professionnelle, un soutien éducatif et la reconstruction des réseaux sociaux pour faciliter la réintégration communautaire.

Mécanisme de partenariat

Des sessions de formation conjointes destinées au personnel du gouvernement et de la société civile peuvent garantir une approche unifiée des soins tenant compte des traumatismes et du soutien communautaire :

  • À l’aide d’un cadre commun de suivi et d’évaluation, la prestation de services et les résultats seront suivis au moyen de mesures communes telles que le nombre de personnes bénéficiant d’un soutien psychologique, d’une formation professionnelle et d’une aide éducative.

  • Des outils portables tels que des enquêtes et des dossiers de santé faciliteront la collecte et les évaluations régulières de données, y compris des examens trimestriels et des visites sur le terrain.

  • Une distribution transparente des fonds, guidée par la contribution des deux secteurs, donnera la priorité aux besoins immédiats et permettra le déploiement rapide d'unités mobiles et de structures temporaires.

  • Les commentaires réguliers des personnes déplacées, recueillis via des groupes de discussion et des boîtes à suggestions, aideront à affiner et à ajuster les programmes pour mieux répondre à leurs besoins. Des rapports périodiques détaillant la prestation des services, les résultats et l’utilisation des ressources s’avéreront utiles.

Transferts monétaires conditionnels

Inspiré par la Bolsa Família et d'autres programmes similaires réussis, Haïti peut mettre en œuvre des programmes de transferts monétaires conditionnels pour fournir un soutien financier aux familles en échange du respect des exigences en matière de santé et d'éducation. Cette approche peut alléger le fardeau des familles déplacées et améliorer le bien-être. Le ministère de l'Économie et des Finances, du Travail, de la Santé et le Bureau de la protection civile, à l'aide du FAES, peuvent concevoir, superviser et surveiller ces programmes pour garantir une distribution transparente des fonds et le respect des critères de santé et d'éducation.

Le programme social passé d'Haïti

La tentative d'Haïti de fournir une aide financière pendant la pandémie de COVID-19 via MonCash s'est heurtée à des défis importants. La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) a fait état d'anomalies dans plus de cinq milliards des 9,22 milliards de gourdes décaissées, avec des problèmes de transparence et des doutes sur la bonne répartition des fonds. De nombreux bénéficiaires avaient besoin de comptes MonCash, ce qui entraînait des taux d'échec de transfert élevés. De plus, 65 % des kits alimentaires ont été détournés et près de deux milliards de gourdes allouées à la réponse à la pandémie ont dû être dûment expliquées.[1] [2] [3].

Mécanismes de suivi et de transparence

Suivi des conditionnalités : Les bénéficiaires doivent veiller à ce que les enfants soient scolarisés et bénéficient de contrôles de santé réguliers. La conformité est contrôlée grâce à des systèmes automatisés qui surveillent la fréquentation scolaire et les visites médicales. Les données des écoles et des prestataires de soins de santé sont recoupées avec les registres. Le non-respect peut entraîner la suspension ou la cessation des prestations, renforçant ainsi les objectifs du programme. Cette approche peut être appliquée en Haïti car les sites de déplacés internes disposent de registres de résidents, garantissant des mécanismes de conformité et de suivi similaires.

Mise en œuvre et surveillance locales : Le programme est géré par le ministère brésilien du Développement social, en collaboration avec les gouvernements locaux. Les bureaux locaux, connus sous le nom de CRAS (Centros de Referência de Assistência Social), soutiennent les bénéficiaires en les aidant à se conformer aux exigences du programme. Ces centres sont cruciaux pour la surveillance locale et la résolution des problèmes . En Haïti, les ONG locales, les groupes communautaires et le FAES peuvent jouer des rôles similaires, en garantissant le respect des règles et en fournissant un soutien direct.

Améliorer les programmes de transferts monétaires

Utilisation des plateformes numériques : Malgré les défis rencontrés pendant la pandémie et les irrégularités avec les agents d'argent mobile , les applications de transfert d'argent numérique comme MonCash ou NatCash peuvent améliorer l'efficacité des programmes de transfert d'argent. Par exemple, MonCash compte environ 1,5 million d'utilisateurs enregistrés et un solide réseau d'agents, permettant des transactions faciles même dans les zones reculées. Les Haïtiens connaissent ces supports pour les transactions quotidiennes. Pour répondre aux problématiques précédentes, il est essentiel de :

  • Améliorer la configuration du compte : assurez-vous que les bénéficiaires disposent d'un compte MonCash avant de décaisser les fonds.

  • Virements directs : transférez des fonds directement vers des comptes MonCash pour une distribution rapide et sécurisée.

  • Transparence et responsabilité : les transactions numériques fournissent un flux de fonds transparent et traçable, améliorant ainsi la responsabilité. [1] [2]

Une voie à suivre

Faire face à la crise des déplacements de population en Haïti nécessite des stratégies urgentes et résilientes, capables de résister à l'instabilité politique et d'atténuer les graves impacts de la violence des gangs. Les futurs plans de sécurité et de réintégration doivent donner la priorité aux besoins immédiats des populations déplacées, en particulier les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables. Il est crucial de garantir que ces groupes aient accès aux services essentiels, tels que les soins de santé, l’éducation et le soutien psychosocial. En se concentrant sur la réintégration et la normalisation de leur vie, Haïti peut favoriser un avenir plus sûr et plus stable, et parvenir à une paix et une stabilité durables.

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